La Caverne by José Saramago

La Caverne by José Saramago

Auteur:José Saramago [Saramago, José]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Portugaise
Éditeur: Seuil
Publié: 2013-08-20T22:00:00+00:00


Cipriano Algor rêva qu’il se trouvait à l’intérieur de son nouveau four. Il était tout content d’avoir pu convaincre sa fille et son gendre que l’augmentation subite des activités de la poterie exigeait des changements radicaux dans les procédés d’élaboration et une modernisation rapide des moyens et des structures de fabrication, à commencer par le remplacement urgent du vieux four, vestige archaïque d’une vie artisanale qui ne méritait même pas d’être conservé en tant que ruine dans un musée en plein air. Défaisons-nous de toute nostalgie, ça ne fait que nuire et retarder, avait dit Cipriano avec une véhémence inhabituelle, le progrès avance inexorablement, il nous faut décider de le suivre, malheur à ceux qui parce qu’ils craignent d’éventuels tracas futurs restent assis au bord du chemin en pleurant un passé qui n’avait même pas été meilleur que le présent. La phrase était si ronde, si parfaite et si achevée qu’elle dissipa les réticences des jeunes. En tout cas il faut bien reconnaître que les différences technologiques entre le vieux four et le nouveau n’avaient rien d’extraordinaire, ce qui était obsolète dans le premier était devenu moderne dans le deuxième, le seul changement qui sautait vraiment aux yeux était la taille de l’installation, sa capacité deux fois plus grande, et encore que cela ne se remarquât pas tant il était vrai que les rapports entre la hauteur, la largeur et la longueur du vide à l’intérieur étaient différents et même un peu anormaux. Puisqu’il s’agit d’un rêve ce dernier détail n’a rien de surprenant, ce qui est étonnant en revanche, malgré les licences et les exagérations que la logique permet au rêveur, c’est la présence d’un banc de pierre à l’intérieur, un banc en tous points semblable à celui des méditations et dont Cipriano Algor n’aperçoit que la partie arrière du dossier car ce banc, bizarrement, est tourné vers la paroi du fond, à cinq empans de distance au grand maximum. Les maçons avaient dû l’installer là pour s’y reposer à l’heure du déjeuner, ensuite ils ont oublié de l’enlever, pensa Cipriano Algor, tout en sachant que ce ne pouvait être vrai, les maçons, et ce détail est rigoureusement historique, ont toujours aimé manger à l’air libre, même quand ils devaient travailler dans le désert et à plus forte raison dans un endroit aussi agréablement champêtre que celui-ci, avec les planches de séchage sous le mûrier noir et le souffle de la jolie petite brise de midi. D’où que tu viennes, tu tiendras désormais compagnie au banc qui est dehors, dit Cipriano Algor, le hic sera de te sortir d’ici, tu es trop lourd pour que je te porte dans mes bras et si je te traîne tu vas m’esquinter mon pavage, je ne comprends pas pourquoi on t’a installé à l’intérieur d’un four car la personne qui s’assiéra sur toi aura le nez presque collé au mur. Pour se prouver à lui-même qu’il avait raison, Cipriano Algor se glissa délicatement entre l’extrémité du banc et la paroi latérale du four et il s’assit.



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